Comment faire habiller 36 millions de Français
par un grand couturier

La campagne décalée de Lowe Stratéus a largement rempli son objectif d’usage, tout en contribuant à valoriser l’image de la Sécurité routière.

1 OBJECTIF
Préparer les automobilistes à une nouvelle obligation

En 2008, malgré des progrès considérables en matière de sécurité sur la route (10 000 vies sauvées et 100 000 blessés évités entre 2002 et 2007), le nombre d’accidents corporels demeure très élevé : 13 morts et 300 blessés par jour dans des accidents de la circulation. Le Comité interministériel de la Sécurité routière, chargé de mettre en place les mesures qui s’imposent en matière d’infrastructures, de véhicules, de formation et de prévention, est aussi en charge du volet communication. Il prend en main le cas de l’usager dit « vulnérable », notamment du fait d’un arrêt sur le bord de la route pour raison technique. Celui-ci se met en danger et menace les autres. D’où la nécessité d’imposer à bord de chaque véhicule un équipement de sécurité composé d’un gilet jaune fluorescent et d’un triangle de prévisualisation. La décision de principe, prise en février 2008, est applicable le 1er octobre, un délai jugé suffisant pour qu’industriels et distributeurs organisent l’approvisionnement et, surtout, pour préparer le public à cet impératif : en cas de défaut d’équipement, le conducteur s’expose à une amende forfaitaire de 135 €. Toutefois, la campagne se doit d’être aussi joyeuse que possible pour que cette mesure ne soit pas trop perçue comme une contrainte. « Derrière un test, il y a une chaîne de fabrication, des processus administratif, industriel, réglementaire, un problème d’homologation, etc., explique Michèle Merli, déléguée interministérielle à la Sécurité routière. Quand la communication est lancée, tous ces problèmes doivent être résolus. » Ils le sont fin juin, au lancement de la campagne visant à l’équipement des 36 millions de véhicules avant la date fatidique.

2 MOYENS
Une semaine d’affichage et 770 k€ de budget

Plutôt que d’annoncer frontalement cette nouvelle contrainte ou d’agiter le dispositif coercitif en cas de non-possession de cet accessoire peu coûteux mais si peu seyant, la campagne créée par Lowe Stratéus joue la carte de la dérision en choisissant Karl Lagerfeld comme porte-parole de la Sécurité routière. Celui qui, selon l’agence,« incarne la loi en matière de mode » accepte d’emblée, sans contrat, et confie une photo de lui pour la conception de l’affiche à l’accroche en forme d’évidence, qui transforme en atout le défaut du produit. L’enjeu est de taille : la campagne ne sera diffusée que durant une semaine, du 18 au 24 juin 2008, en affichage urbain (315 k€ HT), radio (360 k€) et Internet (module pédagogique spécifique), accompagnée d’un volet RP. Le budget se monte à 770 k€ au total, le couturier ayant offert sa contribution. Le 18 juin, une conférence de presse donnée par Jean-Louis Borloo lance la thématique et présente la campagne.

3 RÉSULTATS
Un buzz mondial

Les retombées médias dont jouit la campagne s’accompagnent d’un accueil favorable, encouragé par la présence du couturier et l’humour induit. Outre les reprises en médias (200 médias internationaux) et sur les blogs, sites et newsletters (400 blogs, groupe Facebook de 500 membres, etc.), le gilet, porté sur le podium en final du défilé Chanel et promu par le couturier en certaines occasions, devient presque un objet culte. Début juillet, l’équipement de prévisualisation est en rupture de stock et début août, 20 millions d’automobilistes sont déjà équipés. En octobre, 30 millions de gilets et triangles auront été vendus. « Le constat que l’on peut faire aujourd’hui, c’est que le gilet a été adopté, se félicite Michèle Merli. On constate un développement quasi sociologique de cet accessoire, qui est reconnu pour son caractère protecteur. Cela a fait progresser l’idée que quand on est arrêté, il faut être vu. » Outre l’objectif d’usage, la campagne a également fait progresser l’image de la Sécurité routière , plus souvent amenée à aborder des sujets graves. « C’était l’occasion de faire quelque chose de pétillant, précise Benoît de Laurens, chez Lowe Stratéus. Cette campagne répond à tous les objectifs : elle informe sur la législation, constitue un acte de prévention en valorisant les bénéfices, et fait avancer la société. C’est une campagne bénéfique pour la marque Sécurité routière. » L’exploitation ou le détournement du gilet (manteau pour chien, version « Colette », porte-clefs, etc.) a encouragé son usage au-delà de sa première affectation, notamment auprès des cyclistes.

Emmanuelle Grossir - CB News - www.cbnews.fr